Lorsque je prends des photographies, je me laisse guider par mon instinct. Je mets de côté tout ce qui peut faire des interférences ; souvenirs, pensées… Je vis l’instant présent – « Rien ne se répète parce que tout est réel » Fernando Pessoa -, un moment hors du temps où quelque chose d’insaisissable pour la plupart, me sera dévoilé. C’est comme un feu qui s’éveille soudainement dans mon corps. Et je sais. Si je vois un arbre étirer ses branches dans l’air, le même élan est en moi. Et puis m’apparaissent des racines, conversations souterraines, des gens qui parlent, un ruisseau qui s’écoule, un enfant qui pleure. Le regard d’un homme, les veines sur sa main, les traits de son visage, etcétéra. Comme si quelqu’un me montrait le lien entre les choses, entre les gens. Souvent dans les petites choses, des détails, là où peu d’entre nous regardent, je trouve une compréhension, une grande beauté. « Rendre visible l’invisible » disait Paul Klee. Aller au-delà du regard. Découvrir la partie cachée de l’iceberg. Et pour cela se jeter à l’eau, nu. Tel que l’on est. Descendre dans la secrète profondeur de la solitude. Un moment de paix.