Les anatomies oniriques de Mona Luison

« Dans le champ de la biologie, les tissus désignent un ensemble de cellules regroupées autour d’une même fonction. L’analogie est tentante quand il s’agît d’évoquer les surprenantes créations textiles que nous offre Mona Luison.
Dans ce travail étonnant, le tissu constitue à la fois le muscle et l’épiderme de la sculpture. Les étoffes se font chairs et organisent l’anatomie y incluant une profusion d’objets hétéroclites arrachés au quotidien. Magnifiquement inspirée par l’art brut et les arts ethniques, Mona cisèle une matière triviale jusqu’à la transfiguration. Les capsules de café deviennent médaillons. Les bouteilles d’eau, les canettes, les peluches et photos, sont découpées, assemblées et tissées pour se faire parures aux accents tribaux. Ainsi métamorphosé, le moindre élément devient signifiant porteur d’une histoire singulière, d’une identité propre. Tissus et fils viennent alors assembler ces fragments d’existences et organisent une réflexion sur la condition humaine; Une condition de l’être, explorée dans son vécu biologique autant que social, intimement liée au corps, inscrite et révélée par lui.
La sculpture peut devenir « to wear » : une parure que l’on revêt comme le vecteur d’une identité, une sculpture portable à même la peau, signifiant d’un corps quand bien même celui-ci serait absent. … Frédérique Oudin  (Artension 2014)

L’œuvre se fait « expiration d’un silence organique ». Les pièces de tissus anciens, les boutons, l’épaulette issue de l’uniforme d’un grand-père, viennent écrire une hagiographie dans laquelle s’entremêlent rêves et fragments du réel. Elle nous parle de l’absence, des transmissions, des héritages, de l’âge. Cet ouvrage ô combien intime s’insère dans une curieuse biographie du corps, une histoire en sept robes : « My Diary ». Chaque pièce évoque un âge de la vie, le passage de l’enfance à l’âge adulte puis à la vieillesse. Et si quelques fils secrets semblent relier une Mona Luison à une Annette Messager, ce journal intime où l’étoffe se fait la métaphore du biologique, n’en est pas pour le moins un travail des plus personnels et des plus singuliers.

Lorsqu’il n’est pas envisagé dans son histoire biologique, Mona observe le corps dans sa confrontation à une actualité souvent douloureuse : guerre, famine, catastrophe naturelle. Pour les statuettes de la série topicality, le corps se fait rapporteur d’une histoire partagée et médiatisée. Il en devient le symbole…

Et l’espoir est là, présent dans toute l’œuvre de Mona Luison. La profusion des couleurs et des matériaux sonne comme une invitation à la vie et à la joie. La catastrophe, le fatum de nos existences, semblent n’être évoqués que pour être sitôt placés à distance. La cruauté du réel se voit transcendée par le rêve, « un rêve rouge » à l’image de ce pectoral sur lequel se rencontrent deux histoires de l’humanité : celle pesante des guerres et des catastrophes et celle plus légère de la conquête spatiale.

L’exploration spatiale à laquelle nous convient les cosmonautes hybrides de la série Space explorations, ouvre encore un peu plus la réflexion sur l’être. Le spectateur est amené à prendre de la distance avec le monde comme avec sa propre histoire pour un questionnement plus vaste sur les origines et le futur de l’humanité. Mais cette réflexion se veut légère et ludique. Placés face à l’univers dont nous sommes issus, Nous voici invités à traverser la vie avec le regard et l’émerveillement de l’enfance. »    Frédérique Oudin  (Artension 2014)

https://monaluison.com/

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